Culture graphique

Le datajournalisme

La datavisualisation au service du journalisme,  Karen Bastien, datajournaliste et  fondatrice de Wedodata nous éclaire sur cette problématique.
Comment la datavisualisation est-elle venue à vous en journalisme jusqu’à vous mener au datajournalisme et à la création de Wedodata, est-ce une appétence pour la communication visuelle, ou une évidence ?
En tant que journaliste, mon métier a toujours consisté à faire de la pédagogie de l’information. Mes dix ans d’expérience à « Libération », puis à « Terra eco » m’ont convaincue de la puissance du visuel pour informer et des statistiques comme nouvelle source de narrations journalistiques.
C’est cette pédagogie que je perpétue aujourd’hui avec deux spécificités : j’explore des territoires qui ont été souvent ignorés, voire évités par les journalistes, ceux des chiffres et des statistiques et donc j’ai la chance avec mon équipe d’y découvrir de nouveaux angles et des sujets inédits. Et je m’appuie sur le graphisme, voire l’interactivité, pour transmettre désormais l’information, deux puissants leviers d’engagement du lecteur.
Comment définiriez-vous le datajournalisme ?
C’est un journalisme qui travaille à partir de bases de données structurées. Celles-ci peuvent être des tableurs de statistiques publiques, de géolocalisations pour créer des cartes, de mots pour faire de l’analyse sémantique, de sondages… Toute donnée qui aura été organisée dans un tableur peut servir de point de départ à une enquête. La clé, c’est donc de structurer cette information.
 Il existe pléthore de styles de datavisualisation(s) : pourriez-vous rapidement nous expliquer la différence entre les data interactives, analytics, narratives, infographics, ou encore les animations, autrement dit quelle datavisualisation choisit-on pour quelle information et pour quel support (papier, Internet) ?
Vaste question : il s’agit en effet de différents formats que peuvent prendre aujourd’hui les datavisualisations et cette liste n’est sûrement pas définitive car il s’en invente sans cesse de nouvelles grâce au web et à la capacité des chiffres à s’incarner dans de nombreux mediums. Pour résumer, il y a les dataviz sans interactivité que l’on continue à appeler infographies. Celles avec interactivité qui racontent des histoires de manière assez linéaire (narrative) ou qui permettent de générer ses propres explorations et graphiques (analytics). Et enfin, les formats vidéo ou Gifs qui proposent un scénario très précis.
 Vous animez des stages en datavisualisation, quels sont les grands principes enseignés à vos apprenants ?
Que la technique est indispensable dans ce domaine (maîtrise d’outils spécifiques, des règles de la statistique…), mais qu’elle ne doit pas nous faire oublier que nous sommes avant tout des journalistes. Donc pas des robots qui appliquons bêtement des formules.
Qu’une fois trouvée l’information, il reste à la transmettre visuellement. C’est la collaboration entre le journaliste et l’infographiste qui en sera la clé, donc un travail d’équipe. Fini le journaliste, seul maître de l’information.
Quelles qualités faut-il pour être datajournaliste ?
Humilité, rigueur, remise en cause permanente. Mais ce sont les qualités indispensables à tout journaliste, non ?
Quels sont les incontournables d’une datavisualisation réussie ?
David McCandless l’a très bien résumé dans ce graphique :
good_infodesign
C’est une quête permanente de l’équilibre parfait entre fond et forme.
 La datavisualisation vient-elle en support à un contenu écrit ou oral à l’instar d’une illustration qui synthétiserait une information, ou se suffit-elle à elle seule ?
Tout dépend du contexte. Mais les datavisualisations interactives réussies peuvent tout à fait se suffire à elles seules étant donné leur capacité à proposer différentes couches d’informations, chemins de lecture, etc.
  Une datavisualisation coup de cœur ?
snatch-doubleprisonniers
Ce travail réalisé il y a quelques années par Wedodata pour Owni et Snatch sur les prisons en France avait permis de parler d’autre chose que du surpeuplement des prisons pour aborder le sujet de la population carcérale et des conditions de vie. Cela mettait en valeur le travail statistique de longue haleine d’observatoires et de chercheurs et rappelait que derrière les chiffres se cachent des réalités humaines.
 

Laisser un commentaire