Culture graphique

Azimuth, le projet cross-media d'Anthony Liefooghe

Anthony Liefooghe, vous êtes graphiste de métier, dans le domaine de l’édition print, pourquoi avez-vous souhaité suivre cette formation dans le domaine la publication digitale ?
Selon moi, la publication digitale est l’unique proposition d’évolution de l’édition traditionnelle. C’est l’idée que je soutiens auprès de mon entreprise. Il s’agira certainement de trouver la bonne narration et le support technologique le plus pertinent pour que ce modèle de lecture s’impose véritablement bientôt. C’est l’expérience utilisateur et la profondeur d’immersion qui feront toute la différence. On peut d’ores et déjà parcourir un récit numérique qui implique plus qu’un seul de nos sens activement (je pense à Phallaina de Marietta Ren, publié récemment). D’autres expériences sensorielles s’annoncent prochainement. Et plus tard, quel auteur voudrait se passer de ce niveau d’implication de ses lecteurs dans ce qu’il a écrit ?

Vous êtes en train de développer et construire Azimuth, un projet transmédia s’articulant autour d’un roman graphique, d’un court-métrage et d’une application. Pouvez-vous nous évoquer la genèse de votre projet et nous expliquer comment vous en êtes venu à une approche Transmédia ?
Azimuth est d’abord un court-métrage. Nous avons constitué une association de production, Les films du Vril, pour soutenir le projet, en janvier 2015. Mon co-réalisateur et moi avons obtenu une aide à la création de Pictanovo, fonds de soutien régional aux projets audiovisuels, en juin 2015. L’agence de production Canasucre et son équipe de techniciens nous ont rejoints ensuite et nous avons défini le casting dans la foulée. Les tournages continuent à l’heure actuelle, au moins jusqu’en mai 2016. La post-production se fait en parallèle. L’élaboration du conte digitale 8 – l’errance de Teufel me revient entièrement pour l’instant et j’avance sur chacun des aspects de celui-ci aussi vite que les plans du film se composent.

J’ai commencé par écrire un scénario de court-métrage et à dessiner un storyboard. Finalement, faire ça, c’est faire une bande-dessinée (avec d’autres contraintes de séquençage). Ensuite, avec la caméra, on projette simplement du mouvement et du son dans une image où le lecteur doit les imaginer d’habitude. Quelque part, la démarche est déjà transmédia. Les choses se sont montées comme ça pour moi au début. Chaque discipline approchée (illustration, scénario, storyboard, graphisme du projet, montage, histoire sonore) renvoyait à la suivante et puis à une autre. C’est le récit qui m’a imposé peu à peu sa forme multiple.

La particularité du transmédia (comme je l’ai comprise), c’est de consolider une histoire centrale avec d’autres récits complémentaires ou imbriquées,  jusqu’à obtenir un univers d’auteur cohérent. Je n’ai jamais eu, en y repensant autant de capacité, depuis que je travaille dans ces domaines, à accéder aux moyens techniques variés qui me permettent d’envisager un projet décliné de cette façon. En fait, j’ai toujours voulu faire ça et c’est enfin possible maintenant, techniquement et financièrement. Mais le fond du projet, c’est que je veux simplement partager ce que je raconte de la façon la plus immersive qui soit en mesurant les moyens qui me sont offerts. L’époque indique assez rapidement les principes du transmédia pour ce genre d’ouvrage.

Comment avez-vous avancé sur ce projet de création (étapes-clés), tout en apprenant des nouvelles technologies ?
Tout avance de front. Difficile de faire autrement : la publication digitale intègre des séquences du court-métrage, et le court-métrage intègrera des animations inspirées de la publication ainsi que certains plans qu’on retrouvera réinterprétés en illustration dans le roman graphique. Le plus dur, finalement, c’est d’adapter les technologies à ma façon de travailler. J’ai donc cherché un outil de publication digitale très particulier, qui n’imposerait pas de contraintes formelles ou structurelles à mes pages et qui serait adapté dans ses composants au roman graphique interactif comme je l’imagine. Je pense l’avoir trouvé durant la formation que j’ai suivie chez Pyramyd.

8screenshot1

Quelles méthodes, quel nouveau regard sur la création dans votre métier, la formation vous a-t-elle permis d’acquérir ? Qu’apporte la transformation digitale aux auteurs, mais aussi aux lecteurs ?
Dans le cadre de la formation, j’ai pu recentrer mon apprentissage technique sur ce qui m’intéresse en particulier : le roman graphique numérique. Je me suis dit très vite qu’il pouvait s’agir là d’une autre façon plus sensible de lire ou de raconter. Je me suis rendu compte aussi que la compilation des médias dans un seul objet est un exercice complexe. L’esthétique doit être transversale et cohérente, identifiable, pour ne pas perdre le lecteur. Mais finalement, la démarche créative me semble être toujours la même. Je commence toujours mon travail avec un crayon à la main, et je cherche les moyens technologiques d’animer mes croquis et mes textes. C’est aujourd’hui autant qu’hier, l’histoire qui définit mon outil et pas le contraire. Et aussi loin que je puisse travailler sur la mise en forme, si mon histoire est nulle et que mon dessin dérive de son sujet, l’enluminure interactive ne sauvera pas le projet.

Je suis intimement convaincu que le livre digital, dans son évolution future, ne changera pas la qualité des récits et ne dénaturera pas le fond d’une histoire au profit de sa forme (c’est un préjugé sur la publication digitale que j’entends souvent), mais deviendra un véritable moyen d’expression alternatif qui réinventera l’ergonomie du livre.

8screenshot2

A titre personnel, comment cette formation vous a–t-elle peut-être permis d’aller vers ce que vous nommez « un moyen d’expression alternatif » et quels points essentiels retenez-vous de ce type de formation ?
La formation que j’ai suivie ne s’est opposée à aucune expérimentation que j’ai voulu tenter. J’ai compris les enjeux de la publication digitale en découvrant DPS et Aquafadas dans le détail. Il me semblait que les développeurs de l’une et l’autre formule présupposaient une façon d’utiliser leurs outils, avec beaucoup de restrictions parfois. Ils collent peut-être un peu trop à l’air du temps créatif et imposent des modèles graphiques et des façons de faire. Je pense par exemple à l’omniprésence de l’effet Kenburns dans les modules… Nous avions évoqué un certain nombre de plateformes de création de publications moins célèbres pendant la formation. Pandasuite s’est vite imposé à moi. Les composants sont intuitifs et n’ont pas vraiment de limitations créatives ou d’usages. C’est aussi l’interface de conception la plus agréable, stimulante et sérieusement ludique que j’ai pu utiliser. La proposition technique s’adapte en tout cas complétement à mon projet.

Les formateurs nous ont donc ouvert des options et nous avons exploré le panorama des possibilités technologiques. Je retiens tout simplement que c’est cet état d’esprit, cette approche et cette présentation des choses qui m’a permis de définir bien plus loin que ce que j’avais prévu cette expression alternative personnelle que j’envisageais.

8screenshot3

Azimuth

Réalisation : Anthony Liefooghe et François Verheecken

website.canasucreproductions.org/azimuth

Laisser un commentaire