Bonjour, je suis Florian Prenveille, je suis directeur de création et de conception à La Netscouade, une agence de communication et d’innovation digitale qui existe maintenant depuis une dizaine d’années.
Chez nous, l’innovation et les règles qu’on applique tout autour sont articulées autour de deux grands cœurs de métier. On va avoir une pratique qui est associée à la conception d’interface. Sur la conception d’interface, les bonnes pratiques vont nous servir de cadre, vont donner le périmètre du terrain de jeux dans lequel nous, on va s’amuser, et dedans, on va intégrer trois grandes étapes qui sont des étapes de conception au sens large, mais qui sont des étapes plus précises de connaissance, d’idéation et prototypage. C’est autour de ces trois grandes étapes qu’on va pouvoir concevoir des projets innovants, qu’on va pouvoir les tester et qu’on va pouvoir les mettre en place sur le marché.
Il faut savoir aussi que par rapport aux best practices, on a assez tôt, à l’agence, cassé les silos de métiers de manière à avoir des équipes beaucoup plus agiles, beaucoup plus dans l’échange, qu’on n’a pas de pôle métiers dédiés. On n’a pas un pôle Chefferie de projet qui va après travailler avec le pôle des directions artistiques, qui va ensuite travailler avec les développeurs. Mais chaque projet a une équipe qui va être dédiée, qui va échanger en permanence sur le projet, qui va pouvoir itérer, travailler de façon très rapide, tester sur les problématiques de « test and learn » justement, pour savoir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas. Et à partir de là, on va pouvoir valider nos hypothèses et les mettre en place. Pour revenir sur cette problématique d’innovation, il faut aussi savoir que « innovation » avant d’être des règles, c’est d’abord un état d’esprit, et cet état d’esprit doit être guidé par une envie de trouver des nouvelles solutions, d’essayer de nouvelles choses et de sortir justement un peu du cadre, donc un peu des règles qui ne valent qu’à un temps donné par rapport à un besoin. Et à partir de cela, on va pouvoir aller explorer, travailler, tester, affiner et donner vie à ces différents projets. Donc c’est aussi cet état d’esprit plus ce fonctionnement, ce processus, qui nous permettent de continuer, d’innover, de trouver de nouvelles solutions et de se surprendre aussi régulièrement.
Le beau n’est pas pratique. C’est un peu provocateur comme remarque. D’autant plus que depuis l’apport de gens comme Dieter Rams, par exemple, ou Raymond Loewy, on s’est rendu compte qu’on pourrait plutôt dire l’inverse, c’est que l’utile est devenu beau. Mais malgré tout, c’est vrai qu’à l’agence, on garde un fonctionnement qui est chronologique dans les étapes de conception. On ne fait pas de création avant d’avoir pensé l’utilité ou la structure. On a vraiment une première étape : une étape de conception qui va s’enrichir de la problématique du client, des ateliers qu’on va co-créer avec lui, qui vont être des recueils de besoins, des recherches auprès des utilisateurs, qui vont être aussi des créations de personas, des ateliers de card sorting ou de story mapping, qui vont permettre de définir les fonctionnalités. Et à partir de là, on va pouvoir commencer à poser le cadre de la réponse à cette problématique levée.
Ce cadre va prendre forme sous un modèle de ce qu’on appelle le « wireframe » qui sont des gabarits techniques, fonctionnels, qui vont être très poussés, très précis. Ils vont nous permettre là aussi, dans une problématique de « test and learn » d’affiner, de voir ce qui fonctionne, de trouver une solution fonctionnelle à la problématique. Une fois que cette solution est trouvée, ça passe dans les mains des designers, de manière à pouvoir mettre en place une UI, une interface graphique, qui va donner vie à la structure et surtout qui va lui donner tout cet apport émotionnel, tout l’apport affectif qui est essentiel pour le parcours utilisateur et qui permet d’avoir d’un côté une structure efficace et un « look and feel » qui va permettre de séduire ou en tout cas d’être en adhésion par rapport à l’utilisateur final. Si je devais faire le parallèle, c’est comme en architecture où on ne commence pas la décoration intérieure avant d’avoir fait la répartition des espaces. C’est exactement la même chose. En séparant bien ces deux étapes, on permet de faire pleinement et comme je vous le disais en préambule, le fait que les métiers soient dé-silotés à l’agence, les directeurs artistiques interviennent très tôt dans la problématique de conception UX. Donc à ce niveau-là, il n’y a pas la frustration non plus d’un produit qui pourrait arriver déjà conçu. Ils sont vraiment à l’origine de la conception. Et comme ça, ça permet d’avoir un enrichissement complet au fur et à mesure des différentes étapes.
Le site qui représente aujourd’hui la meilleure association de design, d’UX, d’esthétique et d’innovation ? C’est assez compliqué parce qu’il y en a beaucoup, déjà. Et en même temps, on se rend compte que par rapport aux bonnes pratiques, aux règles imposées, on a parfois tendance à avoir aussi une sorte de facilité qui va glisser, homogénéiser un peu les créations graphiques. Si je devais en retenir un, j’en retiendrais un qui n’est pas forcément un site très récent : le New York Times, qui pour moi est vraiment une des plus belles réussites de parcours utilisateur, d’innovation et d’esthétique.
Il faut savoir que le média du New York Times a commencé sa transformation digitale il y a déjà de nombreuses années. Ils se sont vraiment penchés sur cette problématique, qui touche beaucoup de médias occidentaux, de la cible, du lectorat qui s’amenuise au fur et à mesure. Ils sont allés écouter les attentes de leurs lecteurs, ils n’ont pas eu peur de rentrer aussi sur les réseaux sociaux et de les utiliser pour en tirer profit et surtout ils ont une culture de l’innovation digitale qui est très riche. Ce sont les premiers à avoir mis en place ce qu’on appelle des « long-forms », des formats d’articles enrichis qui sont composés de contenus textes, mais aussi de grands formats vidéos, de grands formats photos très immersifs. Ils ont commencé très tôt dans les années 2010-2012. Ils ont une politique aussi d’itération sur des cycles courts très efficaces. Ils optimisent en permanence leur page article, de mille détails UX et UI qui sont toujours très bien pensés et dans le sens des lecteurs pour enrichir l’expérience. On le voit notamment avec, ce qui est devenu une norme aujourd’hui, les lectures zen.
Aujourd’hui, tous les médias proposent des pages qui sont très légères en contenu pour leurs lecteurs. Eux l’ont fait depuis très longtemps, et plein d’astuces vraiment très techniques avec des navigations qui vont s’adapter, des relances dans les pages qui vont être très bien pensées. Et aussi sur les nouvelles technologies, ils ont mis en place un partenariat en 2015 – je crois – avec Google sur la VR, la Réalité Virtuelle, en proposant à tous leurs abonnés sur l’édition du weekend du magazine, une expérience enrichie d’un long reportage qui était sur les réfugiés. Et en fait, chaque abonné recevait en même temps que son magazine un cardboard Google et pouvait télécharger l’application du New York Times et derrière pouvait ainsi prolonger cette expérience comme je vous le disais et vivre le quotidien de personnes citées, les protagonistes du reportage. C’était vraiment un très bel usage et très différent de ce qu’on a l’habitude de voir sur la VR, surtout à l’époque qui était très orientée sur les jeux vidéo. Et tout ça avec une esthétique, un sens de la typographie, de la mise en page qui est vraiment très haut de gamme, somptueux, à l’américaine dans un certain sens. Et on peut voir le résultat aujourd’hui, je crois que c’est 1,5 millions d’abonnés sur le digital. Ce qui fait quand même un chiffre qui peut laisser rêveur pas mal de médias. Pour la petite anecdote sur New York Times, si vous plongez dans les archives du Web et que vous revenez à 10-15 ans en arrière, on se rend compte que leur front page, leur page d’accueil n’a pas du tout changé. Si ce n’est les évolutions liées aux technologies, mais elle est restée la même. Là aussi dans un univers où on a tendance à penser que le changement, c’est forcément positif, eux ont réussi à garder une marque très forte, très stable et utiliser le changement dans un parcours utilisateur, qui lui est vraiment dédié sur l’usage pur et non pas juste sur un aspect cosmétique de leur site.