Culture graphique

Interview de Simon LAZARUS de l'Atelier Genkidama

Simon Lazarus, graphiste-plasticien mélange les influences graphiques, artistiques et cinétiques… En préambule sur son site, le fondateur du studio Genkidama définit son projet  comme « un atelier de gastronomie visuelle, où l’objectif est d’envisager le travail de création plastique et le design graphique comme deux domaines qui, s’ils ne comportent pas les mêmes enjeux, peuvent se nourrir mutuellement. Naviguant entre le champ de la communication et le monde de l’art, les références, les techniques et les featurings y sont mélangées afin de mijoter des plats sophistiqués et savoureux pour vos yeux et vos esprits. »

Logor, installation, video-mapping sur bois

Logor, installation, video-mapping sur bois


Simon, quel est votre parcours ?
Quelles sont vos influences culturelles et artistiques ?
Après une licence en Sociologie à La Sorbonne, j’ai entamé une formation artistique à la H.E.A.R (anciennement, les Arts Décoratifs de Strasbourg) où j’ai passé un DNAP en Design Graphique et un DNSEP en Art. Je travaille comme designer graphique freelance depuis 2012 et j’ai fondé en 2014 le studio de direction artistique Atelier Genkidama (ça se prononce « gaine-qui-d’à-mat »).
Cartes de visite, sérigraphie sur balsa

Cartes de visite, sérigraphie sur balsa


Je développe également une pratique personnelle à cheval entre les champs de l’art numérique, du design graphique et de l’art contemporain.

Vous considérez-vous comme graphiste, designer ou plasticien ?
Je pense que la différence entre un graphiste, un designer et un plasticien dépend du rapport entre contrainte et commande.
Un peintre qui réalise un tableau pour un monarque du XVIIe siècle est-il plus sincère, libre, créatif qu’un graphiste à qui l’on donne carte blanche pour réaliser une affiche ou un clip ? Je me vois comme un plasticien capable de répondre à des commandes, et de les construire en fonction de leurs contraintes propres.

Quelle est votre conception de la communication visuelle ?
La communication visuelle revient à construire un discours en manipulant des normes esthétiques… De la même manière qu’on n’utilise pas le même vocabulaire avec ses amis d’enfance ou lors d’un entretien d’embauche, les formes, les couleurs, les compositions, les choix typo vont jouer dans la perception qu’on a d’une image ou d’un message.
Quel est votre processus créatif et comment abordez-vous un projet ?
Je commence par « cuisiner » mon client à propos de son projet : je lui demande de me raconter son histoire, ce qu’il veut dire et à qui il veut le dire. Puis vient le safari visuel sur le terrain dans lequel va s’intégrer le travail, j’aime bien partir de l’existant ; je récolte une matière brute qui génère en général des intuitions de formes. Je regarde aussi la concurrence sur l’autre berge afin de ne pas refaire du déjà-fait et de marquer des différences de positionnement. Enfin (comme tous les designers je pense), je développe et propose différentes pistes, puis on définit ensemble une direction que je vais nourrir et affiner jusqu’à la naissance du travail, qui va ensuite vivre sa vie.
TRAVAIL SUR L’IDENTITÉ VISUELLE D’UN NOUVEAU BISTROT PARISIEN : LUZERNE

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L’idéogramme de tête de vache (dont descend la lettre A) nous informe sur la programmation des assiettes.


La typographie est une variation de vieux caractères de façades de boucheries du début du siècle.


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PROJET :  VINGT-QUATRE HEURES D’ARCHITECTURE

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SOCIÉTÉ PARISIENNE DE BIÈRE
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Travail sur l’identité de la Société Parisienne de Bière, projet de micro-brasserie francilien et de sa première bière, la Batignolle.


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Le lettering manuel convoque l’esthétique artisanale « craft ». La bichromie, la forme et la taille réduite de l’écusson, « clashent » avec les étiquettes, habituellement chargées et illustratives, des micro-brasseries.


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Les photographes Samuel Koehl et Woody VanTassel nous ont apporté leur regard pour les shootings de la première collection de notre projet textile Marché Boucotte.


Parlez-nous du rapport que vous établissez dans votre travail entre l’art et le design ?
L’art et le design sont deux champs qui peuvent se nourrir, même s’ils comportent des enjeux différents. Peut-être que l’art a plus à voir avec l’expression d’une idée, d’une énergie ou d’un sentiment, tandis que le design va vers sa conception.
Vous travaillez avec d’autres artistes, notamment des plasticiens, comment gérez-vous la collaboration sur un projet ?
« Genkidama », c’est une référence à « Dragon Ball Z ». C’est une technique de mise en commun de toutes les énergies environnantes (humain/animaux/plantes/planètes) afin de former une énorme boule de feu (littéralement en japonais « genki » = énergie / « dama » = boule). Collaborer avec des plasticiens, c’est travailler avec des experts qui ont à la fois un monde et un regard qui leur est propre et une maîtrise très pointue de leurs outils. Le fait de solliciter les featurings nous permet d’avoir une approche plus souple et plus adaptable que dans un collectif « fixe ». Le défi, c’est qu’ils n’ont pas forcément le même rapport à la commande et à la production qu’un designer, mais l’avantage c’est que ça nous permet d’avoir une réalisation pointue et un résultat original et percutant.
Nous avons par exemple travaillé avec le peintre/muraliste Gaulthier D’Hui  pour la refonte visuelle du skatepark de Strasbourg, à l’occasion du festival de cultures urbaines NL contest.
Pour le Villette Freestyle Festival, on a collaboré avec le Vj Lucas Lejeune pour réaliser une fresque animée en mapping de 50 mètres sur 20.
Quelle est la fonction d’un DA pour une marque ?
C’est entre le barde, l’avocat et l’architecte.
Comment imaginez-vous la transmission des savoirs fondamentaux
dans votre métier ?
Il faut donner beaucoup à faire : à mon avis on apprend mieux une solution après s’être cassé les dents sur un problème. Solliciter une curiosité transdomaines, et avoir une base technique solide. Il y a aussi toute une partie de « game » qu’on n’apprend pas à l’école (poser des statuts, construire un réseau, trouver des clients, etc.). Un peu de stratégie, ça ne ferait pas de mal.
Dans une société hyper-connectée où l’infobésité règne, le designer graphiste a-t-il un rôle à jouer dans la société ?
Dans la mégalopole tentaculaire l’architecte a-t-il un rôle à jouer ? Le design peut surcharger, mais aussi alléger : la tendance webdesign actuelle, esthétique « flat-design-ghost box » est à mon avis moins agressive que les interfaces 90’s bourrées de boutons gifs animés. Le problème de l’ultra-connectivité est une vraie question, et l’ultra-stimulation y est fortement liée. La pollution visuelle générée par la « course-à-l’attirage-d’attention »- notamment sur les écrans animés dans les transports – m’écorche tous les jours la rétine et le cerveau. J’ai parfois l’impression de vivre dans un pop-up géant. En tant que designer, on peut être encouragé par des clients à aller dans ce sens, après c’est à chacun de faire ses choix éthiques. Je pense aussi que les comportements des consommateurs jouent une part importante dans ces problèmes : si on rejetait massivement les marques qui nous polluent, elles arrêteraient probablement de le faire. C’est l’une des raisons pour lesquelles je refuse toujours le Smartphone. Le souci avec les pratiques connectées, c’est que plus on les refuse, plus on glisse vers une position d’ermite social. Et que, à l’inverse, quand on commence sur les réseaux sociaux par exemple, c’est ultra-addictif. Avoir un usage conscient de la connectivité, c’est le défi. « Si c’est gratuit, c’est que c’est nous le produit ».
Un coup de cœur pour un film ou une exposition récemment ?
Pour rester dans la thématique, regardez BLACK MIRROR. Notre travail de commande et de design graphique est visible sur notre site www.ateliergenkidama.com et notre fb, atelier genkidama. Mes travaux plastiques sont consultables sur mon site www.simonlazarus84.com et sur mon instagram @simonlazarus84.
 

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