Culture graphique

La technologie repousse-t-elle les limites de la création graphique ?

Comprendre l’imbrication de la technologie dans le processus créatif dans le digital.

Quel est votre parcours ?

Bonjour je suis Arnaud Desjardins, directeur artistique et cofondateur du studio Femme Fatale à Paris, nous sommes trois associés, nous intervenons essentiellement sur des projets interactifs et essentiellement sur des sites Web, des applications mobiles, de la réalité virtuelle et des projets que l’on souhaite innovants.

La création graphique implique-t-elle une approche particulière selon qu’elle investit le champ du print ou celui du digital ?

Dans l’approche et l’amorce d’un projet, je pense qu’il n’y a pas de différences fondamentales entre la création destinée à du print et la création destinée à du web. On commence toujours par un travail de moodboard – de planche-références – où l’ on assemble un certain nombre de références que l’on croise pour créer et proposer aux clients des pistes créatives et des univers référentiels bien distincts. Et donc pour moi, une image parle toujours plus que cinquante mots et souvent le client n’a pas forcément les mêmes références visuelles en tête quand il utilise un mot : il peut avoir en tête d’autres choses que nous et donc ça permet de valider qu’il n’y ait pas forcément de malentendu entre nous.

Quel impact la technologie a-t-elle sur la création ?

Les contraintes technologiques ont toujours contribué à créer des styles et des courants esthétiques très forts dans le graphisme. Aujourd’hui, on voit vraiment l’émergence du WebGL qui est la 3D en temps réel sur Internet, ainsi que du Web VR, c’est la réalité virtuelle aussi sur Internet. Donc là, on a des nouvelles contraintes techniques qui finalement, rappellent un petit peu ce qu’ont connu les développeurs de jeu vidéo dans les années 90’, c’est-à-dire un affichage très limité en termes de polygones, de volume en 3D et donc ce qui aboutit à de nouveaux codes et à de nouveaux courants esthétiques. On peut penser par exemple à tout ce qui est ‘Low Poly’, c’est- à-dire à la modélisation avec très peu de polygones, ou alors aussi à notre projet « Notes On Blindness » sur lequel on a travaillé, qui est en réalité virtuelle, où en fait l’on a décidé de ne faire afficher que les vertex, c’est-à-dire les petit points qui relient les polygones entre eux pour justement gagner en poids, en volume… et finalement, c’est ce qui a créé notre direction artistique sur le projet.

Comment les processus créatifs divergent-ils entre le print et le digital ?

Une fois les maquettes validées par le client c’est là où nos deux métiers finalement divergent totalement, à savoir que le graphiste print va lui s’interfacer avec un imprimeur donc avec les contraintes et les possibilités que ça va lui offrir, mais finalement à la fin à un moment donné ça sera figé, il y aura un BAT et les choses seront actées.

De note côté en fait la phase de création continue puisqu’on va se nourrir, après on va s’interfacer avec un développeur et donc en fait la phase de création va être encore mouvante, on va commencer à animer les principes d’interactions, les principes d’animation qu’on avait en tête et souvent ça permet aussi de continuer à faire valider des choses auprès du client qui parfois a du mal à se projeter sur des principes de navigation et en même temps ça va servir de base de références auprès du développeur. Donc c’est intéressant parce que la création n’est jamais totalement figée, elle est toujours en construction et continue à se nourrir par l’apport aussi du développeur et de cette phase d’animation.

La technologie ‘pour la technologie’, ou…

La réalité virtuelle, c’est un médium qui est émergent, il y a encore beaucoup d’expériences qui sont dans l’effet ‘montagne russe’, qui cherchent à épater à faire une sorte de démonstration technique et esthétique. Et en fait les producteurs de « Notes On Blindness », ce qui était intéressant, c’est qu’ils avaient vraiment cette volonté de proposer quelque chose de différent, d’avoir finalement du fond, de ne pas seulement s’intéresser à la forme et, sans aller dans une finalité pédagogique, mais au moins c’est vrai que c’est un medium qui est très immersif et qui permet finalement de se mettre à la place d’autres gens.